Éditorial Un changement de garde |
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Par Gilles Rioux, vice-président de la FQAO La Fédération québécoise des Amis de l'orgue a déjà dix ans! Depuis sa fondation, plusieurs personnes ont gravité autour du mouvement, directement et indirectement. Du bénévole au membre du conseil d'administration, il y a une foule de gens qui ont fait en sorte que la FQAO soit bien vivante et existe encore aujourd'hui. La passion de l'orgue, de sa musique et de ses musicieux, et la volonté de créer des ponts entre nous, voilà ce que je crois l'essentiel de notre inspiration. Un immense merci à tous ceux et celles qui ont un jour donné un peu de leur passion à la FQAO. Parmi les nombreuses personnes qui ont oeuvré au sein de notre fédération, l'une d'elles mérite d'être remerciée tout particulièrement: M. Gaston Arel. Instigateur et fondateur de la FQAO, M. Arel a présidé le conseil d'administration pendant les neuf premières années en plus de diriger la revue Mixtures avec le soin et le professionnalisme qu'on lui connaît. J'ai eu personnellement la chance d'avoir M. Arel comme professeur et s'il m'a beaucoup appris musicalement, il m'a aussi donné l'exemple d'un homme ouvert et humble qui ne cherche pas les honneurs. C'est pourquoi nous lui avons demandé de nous faire l'honneur de clore notre prochain congrès par une prestation musicale, puisqu'il n'avait évidemment jamais joué pour la FQAO! Ce congrès se tiendra à l'église Notre-Dame de Lévis le vendredi 18 juin prochain. Au lendemain du Concours d'orgue de Québec, une rencontre entre amis de l'orgue s'imposait... Le tout débutera en après-midi avec l'assemblée générale pour se terminer en soirée avec le grand concert Hommage à Casavant (125e) donné par M. Arel. Pour l'occasion, la FQAO a commandé une oeuvre à Mgr. Claude Thompson. De plus, M. Jacquelin Rochette, de Casavant Frères, nous entiendra de la restauration réalisée à Notre-Dame de Lévis. Nous vous attendons tous en grand nombre. Si plusieurs réalisations et événements se sont concrétisés depuis 1994, un travail imposant nous attend. Plusieurs dossiers importants nous commandent. Parmi ceux-ci, celui des membres. Quels sont les vrais avantages à être membre de la fédération? Ce questionnement est à la source d'une nouvelle orientation que la FQAO prendra dès l'an prochain, et ce dans le but d'être équitable avec nos membres: veuillez prendre note que seuls les membres en règle de la FQAO auront le privilège d'annoncer gratuitement un événement culturel ou une série de concerts à l'intérieur de Mixtures ou de Mixtures en bref. La présente édition de Mixtures marque donc la dernière occasion où apparaîtront des séries de concerts des associations non-membres de la fédération. Nous enverrons prochainement un communiqué et un bulletin d'adhésion à toutes les organisations de concerts d'orgue de la province afin de les sensibiliser à joindre notre cause commune car c'est ensemble que nous pourrons aller encore de l'avant pour dix autres années... |
Claude Thompson et l'orgue par Michelle Quintal |
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Le 18 février 2004, Claude Thompson a terminé Suite pour orgue en hommage à Casavant Frères, œuvre d’une durée de 15 minutes qui lui avait été commandée à la fin de l’année 2003 par Gilles Rioux, vice-président de la FQAO, afin de souligner les 125 ans d’existence de cette entreprise de Saint-Hyacinthe. À l’occasion du congrès de la FQAO, le 18 juin prochain, cette suite sera créée lors du concert de Gaston Arel (fondateur de la FQAO) à l’église Notre-Dame de Lévis où est installé un orgue à traction mécanique Mitchell 1870 restauré par Casavant en l’an 2000 et comprenant 42 jeux répartis sur 3 claviers et pédalier. C’est avec fierté et soulagement que Claude Thompson m’a annoncé la fin de l’écriture de l’œuvre. À l’instar de beaucoup de compositeurs, joie et inquiétude accompagnent souvent ce travail d’invention. Et pourtant! Que de labeurs depuis sa première œuvre écrite à l’âge de 18 ans, Fières harmonies, créée lors d’un concert de la Philharmonie De La Salle dirigé par son père Joseph Antonio Thompson1, qui, incidemment a été son premier maître de musique. « Ce fut là mon premier apprentissage de l’instrumentation » me disait-il. Adolescent, Claude Thompson avait déjà écrit des mélodies pour chant et piano sur des poèmes de Lamartine. Viendront plus tard plusieurs harmonisations de chants folkloriques québécois et étrangers. Il a composé une cinquantaine d’œuvres chorales dont des messes, des motets et 4 œuvres importantes avec emploi de l’orgue : la cantate « D’âge en âge, ô Seigneur tu as été notre refuge » (1984) pour le 350e anniversaire de la ville de Trois-Rivières, Magnificat (1992) pour le 35e anniversaire de fondation des Petits Chanteurs de Trois-Rivières, Cantate pour une Université (1994) pour le 25e anniversaire de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Messe d’action de grâces (1997) pour le 300e anniversaire de l’arrivée des Ursulines à Trois-Rivières. Sa Suite pour orgue n’est pas sa première œuvre pour orgue solo. Scherzo en mode éolien fut commandée en 1986 à l’occasion de l’année de la musique canadienne par Suzanne Bellemare; créée par elle-même à l’orgue de l’église Saint-Zéphirin de La Tuque2 et diffusée sur les ondes de la SRC en septembre 1987. Après révision de l’auteur, cette œuvre, dédiée à Suzanne Bellemare, fut publiée chez Lucarel en 2003. Pour la liturgie, il a composé en 1964, Messe pour l’assemblée, qui après révision et ajouts, a été publiée chez Laudem en 2003. Et récemment, 208 Refrains psalmiques pour fêtes, circonstances et intentions diverses avec accompagnement d’orgue, ouvrage publié aux Éditions de la Fédération des Pueri Cantores du Québec en 2004. Claude Thompson a été directeur des Petits Chanteurs de Trois-Rivières de 1956 à 1997. 1,500 enfants ont eu la chance de bénéficier de son enseignement dans cette école qu’il a fondée en 1966. Les jeunes garçons peuvent être admis dès l’âge de 8 ans, ils y sont initiés surtout à la musique liturgique et à la musique sacrée. Pour les besoins de cette école, Claude Thompson a rénové un orgue Casavant électro-pneumatique (1965) à 2 claviers et pédalier, 4 jeux réels, 243 tuyaux. Cet instrument, installé dans la salle Vittoria, sert pour les répétitions. Depuis qu’il a confié la direction de cette maîtrise à Paul-André Bellefeuille, il se réserve le plaisir de les accompagner aux 4 claviers, 62 jeux réels de l’orgue Casavant (1915)/Létourneau (1992) installé dans la cathédrale de Trois-Rivières. Le jeu de Bombarde 16’ Thompson de cet instrument est nommé ainsi, en 1992, en l’honneur de Claude Thompson qui, jusqu’en 1997, dirigea la maîtrise qui assure le service religieux en ce lieu et de l’organiste Marcel Thompson, son frère, qui a été titulaire de 1945 à 1968. En 1991, il a été très actif au sein du comité exécutif de souscription pour l’acquisition et l’installation de grandes orgues à la cathédrale de Trois-Rivières non seulement en acceptant le poste de co-président mais aussi en soutenant ce projet par de multiples interventions3. Mentionnons que Claude Thompson a étudié l’orgue non seulement avec son père mais aussi avec Ferruccio Vignanelli, à Rome, à l’Institut pontifical de musique sacrée de 1953 à 1956. Pendant les étés de 1955 et de 1956, il travailla sous la direction de Nadia Boulanger au Conservatoire américain de Fontainebleau. En 1961, un deuxième séjour à Rome lui permit de poursuivre l’étude de l’orgue et de la composition. En 1970, il obtint un doctorat en musique sacrée avec la mention « summa cum laude » de l’Institut pontifical. De 1972 à 1979, Claude Thompson fit partie du premier conseil d’administration de Pro Organo (Mauricie). En 1976, préparant un concert au Séminaire Saint-Joseph pour cette société, je lui avais demandé de me conseiller concernant la registration à utiliser pour une toccate de Frescobaldi, aide qu’il m’avait accordée très généreusement. Ayant piloté, en 1960, le dossier de la restauration de cet instrument4, il connaît bien l’orgue installé dans cette chapelle. À l’occasion de ce concert où il dirigeait la formation de cuivres, nous avions joué une transcription qu’il avait réalisée du Canzon noni toni de Giovanni Gabrieli. En 1981, il participait à la préparation d’un diaporama sur la facture de l’orgue. Il a donné quelques concerts d’orgue, dont un comme soliste, pour les Récitals d’été à la basilique du Cap-de-la-Madeleine mais il n’a pu continuer cette activité, faute de temps. Toute sa vie, il a baigné dans la musique liturgique et le chant grégorien. Encore récemment, il dirigeait un chœur de voix d’hommes des Petits Chanteurs de Trois-Rivières, chœur que l’on pouvait entendre une fois par mois à la grand-messe de 10h30 à la cathédrale. En 1999, ce chœur a participé à l’enregistrement d’Orgue et chant sacré en Mauricie5. En l’an 2000, ce groupe avait interprété des hymnes grégoriennes et des versets de plain-chant en dialogue avec l’organiste Gaston Arel pour Pâques à travers le temps, orgue et chant grégorien, concert qui fut très apprécié. Chaque année, depuis au moins 40 ans, il a produit, avec les Petits Chanteurs de Trois-Rivières, un grand concert de Noël avec la participation de l’orgue et un autre avec orgue et instruments. Les mélomanes ont eu la chance d’entendre, entre autres, Messe du couronnement de Mozart (1971), Gloria de Vivaldi (1976), Requiem de Mozart (1981), Magnificat de J.S. Bach (1983), Messie de Händel (1984), Requiem de Fauré (1988), Te Deum en ré majeur de Mendelssohn (1997), Missa brevis et Messe Nelson de Haydn (2003). Une quinzaine d’enregistrements sur cassettes, vinyles, compacts en témoignent. Ces manifestations ont contribué à élever le niveau musical de la ville de Trois-Rivières. Accompagnés à l’orgue par Jacques Lacombe, Claude Beaudoin, Suzanne Bellemare, pour ne citer que ceux-là, les Petits Chanteurs ont effectué plusieurs tournées un peu partout en Europe, aux États-Unis et au Canada. Pendant 27 ans, à la cathédrale L’Assomption de Trois-Rivières, seul un positif de 7 jeux (orgue de chœur de l’ancien orgue Casavant 1904) servait à l’accompagnement de la maîtrise et de la foule, le grand orgue de tribune ayant disparu en 1965. De jeunes organistes s’y sont succédé: Pierre-Michel Bédard de 1971 à 1973 (établi en France depuis 1981), Gilles Desrochers de 1973 à 1975 (établi à Toulouse depuis 1975), Pierre Paul de 1975 à 1978 (établi à Rome depuis de nombreuses années, il est secrétaire général des Oblats de la Vierge Marie, tout en rayonnant sur le plan liturgique et musical), Jacques Lacombe de 1978 à 1983 (chef d’orchestre qui a dirigé en France, en Allemagne, aux États-Unis, en Australie, en Belgique, en Angleterre, etc.)6 et Claude Beaudoin de 1983 à aujourd’hui (improvisateur et président de Pro Organo-Mauricie de 1993 à 1996). Ces jeunes musiciens ont rencontré, en la personne de Claude Thompson, un exemple de professionnalisme. On ne fréquente pas impunément la musique des grands maîtres du passé tels Palestrina, Monteverdi, Schütz dans des motets à 8 voix, des œuvres à double, triple et quadruple chœur, sans être initié à un autre mode de perception. Monseigneur Claude Thompson (ordonné prêtre en 1951, a été élevé à la dignité de prélat d’honneur, en 1993, avec le titre de Monseigneur) que la plupart des trifluviens appellent « monsieur l’abbé » ou « l’abbé » est un prêtre engagé au service de l’Église et de la communauté. Ses mérites ont été reconnus par de multiples décorations: médaillé d’or du Souverain Pontife (1970), trophée Arlequin pour la direction musicale (1981), citoyen d’honneur de la ville de Carcassonne (1987), Ordre de La Vérendrye pour le rayonnement de la maîtrise et des Petits Chanteurs (1988), prix Benjamin-Sulte pour le rayonnement sur le plan artistique (1990), Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération canadienne (1992), Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres (1992), Doctorat « honoris causa » de l’UQTR (1994), Chevalier de l’Ordre du Québec (1995), Grand Prix culturel du Nouvelliste (1996). Conclusion Âgé de 77 ans, cet organiste, compositeur, chef de chœur, professeur, éducateur qui parle français, anglais, italien, allemand, est très actif au sein de la Fédération des Pueri Cantores dont il est le fondateur et le président depuis 1983 et dont il prépare le congrès de ce regroupement de chorales qui aura lieu à Cologne en Allemagne en juillet 2004. Il a joué un rôle important dans le dossier des orgues de la cathédrale et de la chapelle du Séminaire Saint-Joseph de sa ville natale. Quelques unes de ses œuvres avec emploi de l’orgue ont été publiées et Scherzo en mode éolien a été enregistré. Au fil des années et aussi quotidiennement, l’abbé Thompson a influencé de jeunes garçons à une époque charnière de leur vie. Par son exemple, il leur a insufflé le sens du travail bien fait, le goût du beau et son l’amour de l’orgue. Notes
Liste des oeuvres de Claude Thompson Messe pour l’assemblée (1964) Publiée chez Laudem en 2003 après révision et ajouts. Pour orgue, pour voix et orgue, pour orgue, voix et autres instruments (avec analyse du compositeur). Cantate D’âge en âge, Ô Seigneur, tu as été notre refuge Pour le 350e anniversaire de la ville de Trois-Rivières (1984) Durée: 27 min. 35 Scherzo en mode éolien (1986) Publiée chez Lucarel en 2003 L’auteur a préféré le terme antique « mode éolien » à l’expression courante « la mineur » à cause de l’atmosphère générale de la pièce, mais surtout en raison des nombreuses alternances entre la mineur ancien (éolien) et mode de mi (le dorien de la musique grecque antique), la note LA étant le pivot central dans le grand système grec. La coupe est classique mais il y a extension de l’alternance entre le Scherzo proprement dit et les thèmes correspondant au Trio. Le schéma général est SS’-T-S-T-S plus coda. Le style est caractéristique de la forme : tempo rapide, mesure ternaire, rythmes vigoureux avec quelques pointes de fantaisie. Durée: 6 minutes, publié chez Lucarel (2003) Magnificat pour soliste, orgue, double-chœur et orchestre (1992) Pour le 35e anniversaire de fondation des Petits Chanteurs de Trois-Rivières. Cantate pour une Université pour solistes, clavier, chœur et orchestre (1994) Pour le 25e anniversaire de l’Université du Québec à Trois-Rivières Il s’agit d’une œuvre originale spécialement composée pour la circonstance. Œuvre à la fois poétique et historique (texte de Gilles Boulet, fondateur de l’Université), elle retrace en vers, dans cinq temps, le projet de l’institution, son « ambition » universitaire, sa création, son développement, son défi. Et, dans un élan intemporel, l’extraordinaire valeur de son existence. La musique suit souvent le texte pas à pas, mais elle le transcende souvent comme c’est le cas dans une cantate qui appelle à la fête, à la solennité. Un passage qui a beaucoup plu aux auditeurs est celui où, voulant exprimer les racines qui ont permis l’éclosion de l’Université, Claude Thompson utilise des chants inspirés de nos Amérindiens, notre folklore et des chansons de nos meilleurs chansonniers en les juxtaposant dans le style du « Quodlibet », sorte de jeu auquel se livrait par exemple la famille Bach en combinant, dans des improvisations, chants liturgiques et chansons. Si l’écriture reste modale dans son ensemble, dans quelques solos ou chœurs, l’auteur emploie un langage résolument moderne en particulier dans le 4e Temps intitulé « L’éclatement actuel » et dans le chœur final qui projette sur l’avenir l’enthousiasme des débuts. Durée: 35 min. 30 Messe d’action de grâces (1997) Pour le 300e anniversaire de l’arrivée des Ursulines à Trois-Rivières Cette composition originale pour chœur, quintette de cuivres, orgue et intervention de l’assemblée utilise un Gloria, composé en 1978 pour Noël, remanié pour la circonstance. Durée: 15 min. 35Refrains psalmiques (2004) Années A, B et C; Fêtes, circonstances et intentions diverses. 208 refrains avec accompagnement d’orgue suivis de Formules psalmodiques simples Éditions de la Fédération des Pueri Cantores du Québec (mars 2004) Suite pour orgue en hommage à Casavant Frères (2004) I – Liturgie: Noël, Passion, Résurrection Un très court prélude énonce le thème sur le nom CASAVANT; do-la-mi-la-la-la-sol-fa. Il est suivi immédiatement d’une fantaisie utilisant des mélodies grégoriennes de Noël, de la Semaine Sainte et de Pâques. L’orgue étant avant tout un instrument liturgique, l’auteur a voulu souligner dans cette partie l’apport du roi des instruments à la liturgie. La deuxième partie, « Contemplation », qui utilise aussi le thème principal, souligne le rôle de l’orgue comme moyen d’amener le fidèle ou le simple auditeur à retrouver la paix intérieure. Mais si l’orgue peut faciliter la vie contemplative, il peut provoquer aussi l’action et cela parfois au cours de l’office liturgique et sans doute très souvent au concert. La fugue est probablement alors la forme la plus évocatrice de la vie active avec son architecture savante où l’unité thématique favorise en quelque sorte la poursuite d’une noble action. Le thème CASAVANT est précisément le sujet de cette fugue. La maison Casavant mérite bien qu’on lui offre, après 125 ans d’existence, ce cadeau symbolique. Durée: 15 minutes. Témoignages Gilles Desrochers « J’ai eu l’immense plaisir d’accompagner les Petits Chanteurs sous la direction de l’abbé Claude Thompson. Encore jeune étudiant en orgue à Montréal dans la classe de Lucienne L’Heureux-Arel, ce temps d’expérience d’accompagnateur m’a été très profitable. L’abbé Thompson est un musicien exigeant et c’est cette recherche de la qualité qui m’a toujours stimulé depuis, tant dans mon enseignement que dans ma vie de musicien professionnel. Qu’il trouve dans ces lignes l’expression de mon estime et de mon admiration. » Jacques Lacombe « L’abbé Claude Thompson est un des grands musiciens qu’il m’a été donné de rencontrer. Je peux témoigner, qu’en dépit de l’instrument très humble sur lequel j’avais à m’exécuter, le niveau de la musique liturgique présenté à la cathédrale de Trois-Rivières était un des meilleurs au Québec sinon au Canada. Je me souviens du Magnificat de Michaël Tippet (concerto pour orgue et chœur) que les Petits Chanteurs de Trois-Rivières dirigé par l’abbé avaient présenté à Notre-Dame de Paris lors de la tournée européenne en 1981. Trois-Rivières peut être fière de ce grand musicien. » Raymond Perrin Mis au courant du fait que l’on propose à vos lecteurs un survol de la carrière de Mgr Claude Thompson, je voudrais contribuer, à ma façon, en tentant d’explorer l’influence de ce grand homme d’Église et de musique sur la carrière musicale des organistes qui ont été en quelque sorte « à son service » à la cathédrale de Trois-Rivières. Il faut commencer par témoigner de la forte tradition musicale qu’a su perpétuer l’ «Abbé » (comme on le surnomme avec mélange assez unique de respect très senti et d’affection presque pudique) à cette cathédrale. Les Petits Chanteurs y ont, depuis des décennies, présenté des programmes musicaux très substantiels lesquels ont toujours été d’abord et avant tout conçus en fonction de leur adéquation avec les textes liturgiques du moment. Point de place pour le simple effet ou la pièce de virtuosité vocale ou instrumentale. Qui pourrait imaginer que dans une cathédrale sans orgue véritable (sinon un pauvre clavier généreusement gratifié de sept jeux gardés « temporairement » du grand orgue romantique démantelé au début des années soixante en attendant le nouvel orgue mécanique néo-classique qui ne viendra jamais), l’Abbé ait su s’attacher les services dévoués d’organistes successifs qui poursuivent aujourd’hui des carrières fort importantes un peu partout? Qu’on en juge par les faits: je mentionnerai seulement trois organistes qui se sont succédés sur ce « Clavier » au cours des années 1960 à 1980. D'abord, Gilles Desrochers. Natif de Cap-de-la-Madeleine, il sera formé à l’orgue par Lucienne l’Heureux-Arel et deviendra le premier récipiendaire d’un baccalauréat en interprétation à l’orgue de l’Université du Québec. Les exigences du métier d’organiste et d’accompagnateur des Petits Chanteurs de Trois-Rivières auront à mon avis contribué grandement à l’acquisition d’une discipline de travail essentielle à des études plus poussées. Après sa formation au Québec, Gilles Desrochers se rendra à Toulouse parfaire sa formation auprès de Xavier Darasse. Il y vit toujours et poursuit sa carrière d’organiste liturgique chez les Dominicains de cette importante cité du Sud de la France. Suite au départ de Gilles Desrochers en 1975, l’Abbé fait appel au jeune Pierre Paul. Issu d’une famille de musiciens, ce dernier démontre de bonnes aptitudes au piano, et le répertoire d’orgue lui est familier puisqu’il chante depuis plusieurs années au sein des Petits Chanteurs à la cathédrale trifluvienne. Sous les conseils de l’Abbé, Pierre Paul entreprend des études d’orgue auprès de Noëlla Genest au Conservatoire. Appelé par la vocation religieuse, il ne poursuivra pas jusqu’au bout ces études mais restera tout de même actif à sa façon laquelle est loin d’être négligeable. Aujourd’hui, Pierre Paul vit à la Maison générale des Oblats de la Vierge-Marie à Rome et participe très activement à la vie musicale de la Cité du Vatican. En effet, on le retrouve souvent à l’animation de célébrations à Saint-Pierre de Rome ou à l’organisation voire carrément à la direction d’un orchestre qu’il a mis sur pieds pour une série de concerts à caractère religieux dans la Ville éternelle. Pierre Paul partant pour Rome, l’Abbé se déniche un jeune organiste au sein de la Maîtrise voisine de Cap-de-la-Madeleine. Jeune prodige, le jeune Jacques Lacombe devient vite un accompagnateur hors-pair et trouve une grande stimulation au contact du chef de chœur exigeant qu’est Claude Thompson. Je sais que, par humilité, ce dernier aura tendance à nier que l’influence qu’il aura exercé ait été déterminante. Je me contenterai donc de relater le contenu d’une conversation que j’ai eue avec l’actuel « premier chef invité » de l’Orchestre symphonique de Montréal: Au retour de mon premier concert dans le cadre de la série « Les concerts spirituels » à l’Oratoire Saint-Joseph, Jacques, alors âgé d’environ 15 ans, qui avait agi en tant que assistant-registrant, discutait avec moi des ambitions qu’il caressait à l’époque . Nous étions tous deux membres de la Maîtrise Notre-Dame-du-Cap et nous partagions outre l’orgue la passion du chant choral. Nos modèles étaient assez directs et facilement identifiables, ce qui est, somme toute, assez rare chez de jeunes musiciens à l’aube d’une carrière. Je pense que l’Abbé n’a jamais été mis au courant de la conversation que nous eûmes, Jacques Lacombe et moi, sur l’autoroute 40 vers une heure du matin. Le plan était simple pour deux jeunes loups admirateurs de leurs maîtres : Je me déclarai très stimulé par l’idée de prendre la succession du père Marcel Chénier à la Maîtrise du Cap quand celui-ci jugera bon de quitter son poste. À ce moment, j’accompagnais la Maîtrise en alternance avec Noëlla Genest à la Basilique du Cap-de-la-Madeleine. Pour sa part, Jacques se voyait dirigeant la chorale plus célèbre des Petits Chanteurs de Trois-Rivières qu’il accompagnait chaque dimanche. Rêves qui se concrétisèrent en bonne partie et qui furent même, dans le cas de Jacques Lacombe, démesurément amplifiés dans leur réalisation puisqu’il devint rapidement directeur de la Maîtrise de Notre-Dame-du-Cap (moi, son aîné, me contenterai d’être son successeur!) et le grand chef que nous connaissons aujourd’hui. Pour ma part, je me souviens avoir ajouté que si j’arrivais un jour à avoir autant d’impact dans ma communauté régionale qu’en avait l’Abbé Claude Thompson, si je contribuais de façon aussi importante à la formation de jeune musiciens et à l’expansion de la vie musicale en Mauricie, je trouverais matière à fierté. Quant à Jacques, il voyait déjà très grand. Il avait, mais sans s’en rendre compte, des visées qui débordaient déjà largement de sa région. Mais il me confia que ce qui l’avait impressionné le plus et ce, depuis le tout début de son contact avec le musicien Claude Thompson, était l’exigence du chef de chœur pour la musicalité, la prédominance de la finalité expressive de la musique sur la recherche de la performance technique. « Si la musique doit toucher un jeune, c’est d’abord par l’expression et l’émotion qu’elle apportera en lui » disait-il. Si on mesure le résultat obtenu par l’Abbé Thompson par le nombre de carrières musicales qu’il aura suscitées, (les trois organistes mentionnés ici ne sont que la pointe de l’iceberg, beaucoup d’autres élèves ayant choisi la carrière musicale suite au contact du prêtre musicien), je pense que nous pouvons affirmer que Claude Thompson constitue l’un des piliers du développement musical dans la région de la Mauricie. |
Rudolf von Beckerath / Charles Letestu, Un tandem unique dans le monde de l'orgue par Hellmuth Wolff |
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Des rapports d’amitiés entre musiciens et facteurs d’instruments sont monnaie courante, mais rien ne se compare aux rapports qu’a entretenu l’illustre facteur d’orgues Rudolf von Beckerath avec le musicien Charles Letestu, avant, pendant et après la deuxième Guerre Mondiale. L’histoire de cette amitié m’a été racontée par Arthur Carkeek1, professeur émérite de l’université DePauw en Indiana. M. Carkeek est décédé le 4 novembre 2003 à la suite d’une longue maladie, ce qui m’incite à écrire ce texte. Il y a quelques années, M. Carkeek publiait une série d’articles sur la formation du jeune Beckerath en France2, mais ces articles ne parlaient guère de ses rapports avec Charles Letestu. Ses lettres citées dans cette série d’articles démontrent plutôt une obsession qui caractérise les pionniers de la réforme de l’orgue: ils tentaient tant à percer les «secrets» des anciens maîtres3. On y apprend que le jeune soldat est sur le front et que les bombes ne lui font pas peur. Il s’inquiète plutôt de ses projets d’orgues dans son patelin: est-ce qu’ils seront bien réalisés, est-ce que les tailles qu’il recommande en sa capacité d’expert pour les diamètres des tuyaux seront respectées? Revenons à notre histoire, je vous la raconterai telle que je l’ai entendue4. Le récit peut sembler rocambolesque par bouts: je n’y suis pour rien. L’excellente conférence donnée en 1999 par Christoph Linde au congrès de la Organ Historical Society5, situe les premières années de Beckerath et la suite de sa carrière dans le contexte. Beckerath vient d’une famille d’artistes de Munich. Son grand-père était musicien et ami de Brahms6, son père a dû l’être aussi. Il est connu pour les portraits et les vignettes qu’il a réalisés de Brahms. Le jeune Beckerath fréquentait Hans-Jenni Jahnn7 et d’autres humanistes, proches des cercles de Rudolf Steiner. M. Carkeek accordait in certaine importance à ses fréquentations et le pensait au-dessus de tout soupçon par rapport aux nazis. Arrivé chez Gonzalez en France, il travaille au monastère de Solesmes et fait la connaissance d’un moine. ll s’agit de Charles Letestu8, qui s’intéressait intensément à la musique de Bach, mais n’avait pas d’idée de ce qu’un orgue allemand avait de spécifique ni avait-il accès à un instrument approprié pour lui révéler davantage l’essence de cette musique. La rencontre de Beckerath, qui connaissait bien les orgues historiques, y compris ceux de Hambourg et de Lübeck que Bach avait joué dans son temps, fut une révélation pour Letestu. Beckerath devenait ainsi un compagnon idéal pour le moine, qui devait se sentir trop limité dans la vie monastique. Selon les dires de M. Carkeek, Beckerath aurait même aidé son compagnon à fuir le monastère! De toute façon, Charles Letestu se trouvait en Allemagne avant la deuxième guerre, et il était dans le giron de son ami Beckerath, qui accédait alors à un poste important au ministère allemand des affaires religieuses. Ce poste à Berlin lui permet de répertorier les orgues historiques de la Basse Saxe, où un bon nombre d’instruments de Schnitger, Huss, Stellwagen et autres se trouve encore de nos jours. IIs ont été conservés grâce au travail de M. von Beckerath, entre autres. M. Letestu travaille alors dans les archives de Berlin et il demeure un moine dans l’âme : il ne réalise pas ce qui se passe autour de lui. Son compagnon l’avertit : ‘’Les étrangers sont mal vus par les nazis, il faudrait que tu fuies ces lieux et que tu retournes en France!’’ En vain, la guerre commence et Letestu est fait prisonnier de guerre! Il sera libéré après la fin des hostilités, mais il reste en Allemagne. Beckerath reprend ses activités d’expert conseil et se prépare à s’établir à son compte. La compagnie Kemper de Lübbeck9 s’y objecte à deux reprises, prétextant que son apprentissage en France ne valait rien. Mais, à la suite de la restauration exemplaire de l’orgue Schnitger de Steinkirchen, la Landeskirche de la Basse Saxe, (les autorités de l’Église protestante) reconnaît le talent de Beckerath et lui accorde son brevet, ce qui devait lui permettre d’ouvrir son propre atelier à Hambourg et d’entamer la fabrication de ses premiers instruments. Letestu s’établit également à Hambourg. Il y enseigne et il sera appelé à inaugurer les premières orgues de son ami. Hélas, lorsqu’il s’agit d’inaugurer un instrument de plus grande envergure, soit celui de la Sankt Petrikirche10, les clients refusent d’admettre qu’un étranger puisse toucher l’orgue en premier et ils font pression sur Beckerath, qui lui, ne résiste pas trop longtemps. Pour M. Letestu, c’est la trahison et son ami se sent très mal de ne pas l’avoir supporté. Beckerath essayera de réparer les pots cassés en lui envoyant un bon nombre d’élèves, dont un certain nombre étaient parmi sa clientèle du Canada et des États-Unis, où son marché commençait à se développer. Ainsi Gaston et Lucienne Arel et Art Carkeek se sont retrouvés à étudier avec Charles Letestu. M. Carkeek raconte qu’il se retrouvait avec ses compatriotes qui étudiaient avec Helmut Walcha et qu’ils s’échangeaient des notes après le premier semestre. Tandis que ses collègues étudiant avec Walcha à Francfort jouaient un nombre impressionnant de préludes et fugue de Bach, Letestu se limitait à deux chorals de l’Orgelbüchlein pour son élève. Décidément, Letestu avait une approche beaucoup plus zen de la musique: il fallait lire attentivement le texte et comprendre la réalisation que Bach en donnait. Tout était analysé sous tous les angles. Letestu est à l’origine des idées d’authenticité dans la pratique d’interprétation de musique ancienne, telles que l’utilisation de doigtés anciens, ou la manière de jouer avec les pointes des pieds, plutôt qu’avec talons et pointes pour le pédalier, pratiques que Harald Vogel, son élève le plus connu, et d’autres devaient propager par la suite. M. Carkeek est retourné à Hambourg avec Maureen, son épouse11, en vue de faire d’autres études sur l’histoire de la famille Beckerath. Il a dû raccourcir son séjour, la vie à Hambourg étant devenue trop chère. Par la suite, son état de santé ne lui permettra plus de poursuivre ses recherches. Avant la mort de M. von Beckerath en 1976, M. Letestu est parti vivre ses dernières années à Lausanne, au bord du Lac Léman en Suisse. Notes
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L'orgue-harmonium de l'église anglicane de Saint-Paul d'Abbotsford par Denis Juget et Stephen Sinclair |
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La principale énigme pour nous est de savoir qui a construit cet orgue et quand? Malheureusement, les archives ne nous ont pas permis de connaître le facteur qui l’a construit, ni l’endroit où il était installé originalement. Elles mentionnent cependant qu’un orgue a été acheté en 1873 d’un monsieur Hill de Montréal. Par le prix de la vente et le fait que monsieur Hill ne soit pas un facteur d’orgues, on peut supposer qu’il s’agit d’un instrument d’occasion. Au cours de la restauration, toutes nos hypothèses et raisonnements se contredisaient. Voici quelques observations:
Plusieurs éléments sont identiques à l’orgue de Warren de l’Église Unie de Dunham. Il semblerait que Warren ait pris des pièces de série d’harmonium pour réaliser un prototype. Malheureusement la plaque de la console a été enlevée et remplacée par une plaque commémorative. Même si parfois on peut constater certaines bizarreries, nous sommes loin d’un bricolage amateur. Bien au contraire, la beauté de la console, la qualité du tirage de jeux, l’ingéniosité de l’anche libre de 16’ de pédale sont la signature d’un grand maître. Le buffet n’a pas de tuyaux apparents en façade. De forme très classique, il est construit en palissandre et en pin blanc recouvert d’un faux-fini imitant le palissandre. Certains éléments décoratifs et les moulures sont recouverts de dorure. Un très beau motif « mariale » dont le A et le M s’imbriquent l’un dans l’autre est intégré dans le grillage de la façade. On retrouve ce motif dans plusieurs communautés dont celles des Sulpiciens, ce qui nous laisse supposer que l’orgue pourrait avoir été construit pour une chapelle catholique ou pour le salon d’une institution religieuse. Le clavier inférieur se glisse sous le deuxième clavier et par un système ingénieux, le pupitre et la tablette qui supporte les claviers se rabattent pour fermer la console. Originalement, le pédalier était lui aussi sur glissière et pouvait se rentrer dans le soubassement. Une fois fermé, l’orgue s’apparente à un vaisselier ou un secrétaire à deux corps très élégant. L’originalité de cet instrument vient de sa composition. Nous avons au premier clavier, un orgue de 7 jeux, dont un jeu d’anche d’harmonium. Au deuxième clavier, un harmonium de 4 jeux avec expression et une anche libre de 16’ à la pédale. On retrouve souvent au 19e siècle des instruments hybrides comme par exemple le piano-harmonium. Mais le cas de l’orgue-harmonium semble inusité. C’est un mariage difficile, pas au niveau des timbres bien au contraire, mais à cause de l’accord. En effet, l’harmonium est stable avec un la à 439,5 hz, tandis que l’accord de l’orgue fluctue en fonction de la température jusqu’à le rendre injouable avec l’harmonium. Habituellement on accorde les anches sur les fonds, mais dans ce cas il faut accorder les fonds sur les anches! Pour ce faire, tous les tuyaux de métal ont des douilles d’accord. Ce système d’accord est surprenant mais se réalise difficilement. Nous avons établi l’accord autour de 20oC. L’hiver, il est facile de remettre les deux parties au même diapason en chauffant; par contre, pendant les canicules de l’été, il faut soit réaccorder tout l’orgue, jouer juste sur un clavier sans se servir de l’accouplement, ou ... attendre l’automne! Malgré cet ensemble quelque peu hétéroclite, nous avons là un instrument merveilleux. Certains peuvent émettre des réserves sur la beauté d’un orgue qui sonne comme un harmonium! Allez l’écouter, le jouer ou assister à un office dans cette magnifique église au milieu des vergers. C’est touchant, un voyage authentique dans l’élégance sonore du 19e siècle. Composition
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Ma nuit chez Papa Doc une anecdote par Hellmuth Wolf |
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Les aventures d'un facteur d'orgue dans le tiers-monde Les turbulences des dernières semaines en Haïti me rappellent les événements dont j’ai été témoin lors d’un séjour dans ce pays malheureux, il y plus de 40 ans. Prenant un cargo du Havre pour arrêter à Port-au-Prince, pour ensuite me rendre au Texas, où un je devais faire un stage de perfectionnement, j’étais censé faire l’entretien du nouvel orgue de la cathédrale anglicane. Cette dernière était déjà bien connue à l’époque pour ses murales magnifiques.1 Je logeais dans une petite demeure à Pétionville, quartier cossu, dans les collines, où les nuits sont plus fraîches qu’en bas de la ville. Une des premières nuits, j’entends un bruit de tam-tam, qui s’amplifiait au fur et à mesure que la nuit avançait. J’étais bien trop excité pour pouvoir dormir. Je sors donc de mon gîte pour voir ce qui se passe. J’aperçois alors des milliers de gens qui dansaient au rythme des tam-tams. Je me sentais en pleine Afrique. L’explication de cette fête impromptue me fut donnée le lendemain: on fêtait le premier anniversaire de la réélection à vie du président François Duvalier, rien de moins! J’appris aussi que les troupes gouvernementales confisquaient les camions et les autobus d’un bon nombre d’écoles pour ramasser tous ces fêtards à travers le pays. Ensuite ils les logeaient dans les écoles, qu’ils venaient de fermer pour toute une semaine pour célébrer le grand événement. Sans doute, les bons soldats ne s’attardaient-ils pas trop pour donner aux « invités » des explications sur le but de leur voyage. Pendant ces festivités de mai 1962, je travaillais donc à la cathédrale. Il y faisait très humide. Le mercure indiquait entre 35 et 40 degrés. Je dépassais largement l’estimé de trois jours de travail de mon ancien patron, qui, lui, ignorait dans quelle condition ses employés avaient quitté le chantier. Un an plus tard, il fallait donc parfaire le travail de mes collègues, ce qui m’a pris trois bonnes semaines. J’avais alors le goût de visiter le pays, mais je ne savais pas par où commencer, le transport public étant mystérieux pour le commun des mortels. En fait, jusqu’alors, je ne voyais que quelques jeunes missionnaires de sectes américaines qui s’aventuraient à l’intérieur des terres. Enfin, par chance j’appris qu’un pilote était prêt à m’amener dans son petit avion jusqu’au Cap Haïtien, où il devait livrer des bandes sonores à une station de radio religieuse. La seule « modernité » que Cap Haïtien avait à montrer, était, comme New York, ses rues et avenues numérotées, un cadeau de Napoléon.2 Il n’y avait là qu’une affligeante pauvreté. Par contre, tout près de là, la fameuse Citadelle du roi Christophe avait de quoi à intriguer le Suisse en moi. De gentils guides se tenaient au pied de la montagne. m’offraient de m’accompagner dans les sentiers, en insistant un peu beaucoup que là-haut, les montagnards avaient un vilain caractère et qu’il était dangereux de s’y rendre seul. Ils offraient aussi de porter des boissons, sans lesquelles je n’aurais sans doute pas survécu. Après quelques palabres, je trouvai futile de résister à leur offre, qui était par ailleurs très abordable. C’est en montant le sentier que j’ai bu mon premier coca et rendu sur le sommet de la montagne, ma visite de la citadelle fut fort intéressante. L’histoire de ce fort d’allure médiévale, très bizarre pour un château du début du 19ième siècle, ne m’était pas connue et j’appréciai les commentaires des guides. La légende, selon laquelle le roi Christophe aurait voulu impressionner ses visiteurs, en laissant marcher ses soldats sur le parvis, sans crier « stop », ce qui causait leur chute dans l’abîme de la falaise, faisait partie du répertoire des guides. Entre-temps, je commençais à comprendre le système de transport haïtien. Les autobus n’avaient pas d’horaire, on se tenait simplement dans les parages d’un bus, et un peu, à l’instar des oiseaux qui s’envolent d’un coup, sans signes apparent, les gens courent pour embarquer dans le bus et allé hop, on est parti. Ma prochaine station était les ruines du château Sans-Souci, une autre oeuvre du Roi Christophe, qui s’inspirait du château du même nom de Frédéric le Grand. Il aurait bien fait de s’inspirer d’autres accomplissements du roi de Prusse, mais passons. Là aussi, il y avait des guides, mais d’une autre nature, comme je devais constater un peu plus tard. Ils étaient en uniforme et ils se mettaient à jaser amicalement et se renseignaient sur moi et le but de mon voyage. Ils demandaient aussi mon passeport, que je n’avais pas sur moi. Par mesure de prudence, mais ignorant que j’étais en train de commettre un crime, je l’avais laissé chez mon hôte à Pétionville. Lorsque je fus sur le point de repartir, ils m’offrirent un garde pour me protéger contre les dangers des routes peu fréquentées par les étrangers. Je réalisais vaguement que j’avais affaire à des tontons macoutes. Mon « ange gardien » et moi prirent donc l’autobus, (j’ai aussi dû défrayer le coût pour le deuxième billet...), nous avions cent kilomètres à parcourir pour atteindre Port-au-Prince et le trajet était assez plaisant, amusant même, car les autres passagers ne pouvaient pas s’empêcher de faire des remarques en créole sur moi, et ils rigolaient quand je leur disais dans un français approximatif, (qui ne contrastait pas trop par rapport au leur), ce que je devinais. Rendu dans la capitale, il n’était pas question que j’aille chercher mon passeport et avertir mes amis de la cathédrale de ce qui m’était arrivé. Mon gardien me conduisit directement à la caserne, communément appelé « Fort Dimanche » - quoi que, à l’époque, j’ignorais ce lieu. Je subis une interrogation dès mon arrivée. Lorsque je leur montrai une « carte d’identité », les officiers se rendirent compte qu’il s’agissait que d’une carte de membre d’un club de théâtre pour étudiants (le Schauspielhaus de Zurich), par ailleurs expirée, écrite en allemand et - zut, aussi en français! Ils me demandèrent aussi, à quelle religion j’appartenais, sur quoi je répondais: « Je ne vois pas le rapport avec mon délit ». Ils insistaient, et, sachant qu’ils voulaient entendre quelque chose de diabolique comme « protestant », je les provoquais par ma réponse, (exacte, par ailleurs): « religion chrétienne ». C’en était trop. Ils m’enlevèrent tous mes biens, porte-monnaie, canif, appareil photo et lunettes et me conduisirent vers une cellule, où une quinzaine de prisonniers m’accueillirent. C’était une petite pièce, 3 x 3 mètres, tout au plus, un plancher de ciment et pas de toilette, de là la forte odeur d’urine. Heureusement la nuit était déjà bien entamée, de sorte que dormir sur le plancher n’était, en terme d’heures, pas trop long, quoiqu’il m’ait fallu une forte dose d’optimisme pour ne pas désespérer. L’aube arriva. Les gardiens n’eurent pas besoin de nous réveiller, mais ils nous invitaient à nous brosser les dents, en passant une canette de conserve remplie d’eau, ce qui devait suffire pour que chacun puisse se tremper ses doigts dedans et ainsi se rafraîchir la bouche. On aurait pu croire que l’eau se faisait rare, mais il n’en n’était rien: par la suite, les gardiens nous faisaient une démonstration en prenant leur douche devant les grilles. Ils semblaient avoir un plaisir fou, se savonnaient et se tapaient, comme des enfants dans une pataugeuse. Une fois le spectacle terminé, ils se remettaient de nouveau en uniforme. Il fallait quand même un brin de dignité pour nous ordonner de sortir de la cellule, un par un, selon les catégories: voleurs, accidents, adultères, etc. Rendu à moi, le seul homme blanc et le dernier prisonnier, ils n’avaient pas de catégorie. Ils m’appelèrent donc et me laissèrent partir, sans argent ni lunettes, chercher mon passeport à Pétionville, à quelques kilomètres de la caserne. Je me rendis donc à pieds à la cathédrale, où je retrouvai mes amis. Un des pères anglicans me conduisit à mon gîte, puis, m’accompagna à la caserne, où nous retrouvèrent mes officiers et leur montrèrent mon passeport Suisse. Je récupérai alors mes possessions, sans explication aucune de leur part. J’appris par la suite que je pouvais me compter chanceux de ne pas avoir été obligé d’être témoin de tortures, ce qui se faisait à l’époque de François Duvalier, couramment, sans ou avec témoin. Aujourd’hui, la situation ne s’est guère améliorée en Haïti. Je n’ai jamais pu m’expliquer pourquoi ces soldats tenaient tant à nous démontrer leur sadisme. Cette aventure m’a fait comprendre, de façon intense une bonne idée de ce qu’est le tiers-monde. P.S.: Je n'ai pas revisité le pays depuis ce temps. À ce que l'on sache, rien n'a changé depuis les années 60, les didacteurs sesont succédés mais le pays s'est apprauvi davantage, les forêts sont disparues ainsi que les mangues qui aidaient autrefois les pauvres à survivre. Notes
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Les Amis de l'orgue d'Edmundston: 10 ans par Michelle Quintal |
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Edmundston! Le nom de cette ville du Nouveau-Brunswick où je m’étais rendue en auto-stop dans les années soixante évoquait pour moi l’orgue Casavant à traction mécanique de 38 jeux répartis sur 3 claviers et pédalier, installé en 1967 en l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Au début des années 70, de retour d’Europe où j’avais eu la chance d’étudier à Genève et à Vienne, étant à la recherche d’un poste d’organiste liturgique, j’étais allée, par autobus cette fois, à la cathédrale Immaculée-Conception d’Edmundston offrir mes services au curé du lieu qui, après m’avoir très bien reçue, m’avait fait remarquer, avec un bon sens de la réalité, que je ne pourrais vivre décemment avec le salaire qu’il offrait. Dans les années 90, lorsque j’essayais, en vain, d’atteindre certains organistes durant l’été, j’apprenais qu’ils étaient allés jouer à Edmundston. Cela a piqué ma curiosité d’autant plus que l’organiste Denis Bédard m’avait même informée que les concerts d’orgue étaient annoncés sur les napperons dans les restaurants! Qui avait le talent de vendre ainsi un concert d’orgue? Gilles Rioux, qui avait lui aussi joué dans cette ville, m’a aimablement fourni le numéro de téléphone de Laurent Geoffroy. Je me suis présentée à ce dernier en précisant que j’avais réalisé 2 CD sur lesquels on pouvait entendre, entre autres, des œuvres de Raymond Daveluy et de Bernard Piché en ajoutant « vous connaissez sûrement Raymond Daveluy mais peut-être pas Bernard Piché ». « Bien sûr, que je connais Bernard Piché, je l’ai engagé pour donner un concert à l’église Saint-Thomas-d’Aquin à Madawaska dans le Maine dans les années 60! ». J’étais émue et en même temps très contente d’être ainsi en pays de connaissance. Alors, à mon tour, je vous présente Laurent Geoffroy, maître d’œuvre et président de cette série de concerts unique au Nouveau-Brunswick. Originaire de Danville, au Québec, où il a rencontré Cécile, sa charmante épouse, il a travaillé, pendant plus de 25 ans aux États Unis, dans le Maine non seulement comme professeur de musique mais aussi comme organiste, notamment à la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin1 où il a eu l’audace d’inviter de grands artistes tels Bernard Piché, cité précédemment, et aussi Antoine Reboulot, Gaston Litaize, Antoine Bouchard, Gaston Arel et Lucienne l’Heureux. En 1979, à la demande de Mgr. Eymard Desjardins, curé de la cathédrale d’Edmundston, il devenait titulaire des grandes orgues. (Mentionnons que la ville d’Edmundston est située à 3 minutes de la frontière américaine à la hauteur de l’état du Maine.) Les orgues Casavant, à traction électro-pneumatique, installées dans la cathédrale depuis 1944 démontrant quelques défaillances, c’est à l’instigation de Laurent Geoffroy qu’elles ont été restaurées par Marcel Bertrand, Jacques L’Italien et réharmonisées par Paul Proulx. Cette restauration a été célébrée par un grand concert où les mélomanes ont pu entendre non seulement Laurent Geoffroy et la chorale Sainte-Cécile, mais aussi les organistes Antoine Bouchard et Sylvain Doyon dans un programme d’œuvres de De Grigny, Couperin, Purcell, Händel, Lebègue, Nivers, J.S. Bach, Mozart, Nibelle et Langlais2. Et, depuis 1994, pendant 3 jours consécutifs, une série de 3 concerts d’orgues gratuits a lieu à la fin du mois de juillet et au début du mois d’août, une de ces dates devant coïncider avec la fête du Nouveau-Brunswick, concerts qui, au début, ont eu lieu le midi mais qui finalement ont été déplacés à 19h30, heure des Maritimes. Depuis 2001, suite à une collaboration avec la Foire brayonne, l’installation d’un écran alimenté par 2 caméras fixes permet aux mélomanes de voir les organistes à l’œuvre. Un micro installé au jubé leur permet de communiquer avec un auditoire enthousiaste et nombreux : 946 auditeurs à l’été 2003. Plus de 20 musiciens de Québec, Montréal, Trois-Rivières, Rimouski, Gaspé et même de Toronto s’y sont produits. Les organistes-compositeurs Raymond Daveluy, Rachel Laurin, Denis Bédard et Paul E. Jessen ont eu la satisfaction d’interpréter leurs œuvres. Gilles Rioux, Pierre Grandmaison, Rachel Laurin et Raymond Daveluy ont ébloui le public par leur improvisation en fin de programme. En plus des musiciens cités plus haut, Laurent Martin, Vincent Brauer, Anne-Marie Forest, Claude Goulet, Dany Wiseman, Marc D’Anjou, André Gagnon, Sylvain Doyon, Rachel Alflatt, Lucienne L’Heureux, Gaston Arel, Nathalie Gagnon, Richard Paré, Jean Thibault, Dom André Laberge, Robert Girard, Michelle Quintal et Marc-André Doran ont eu le privilège de jouer cet instrument polyvalent (3,000 tuyaux, 45 jeux disposés sur 3 claviers et pédalier) installé dans cette belle cathédrale ornée de vitraux de Guido Nincheri et d’un chemin de croix signé Jordi Bonet. Pour l’architecture intérieure de ce haut-lieu qui se veut une adaptation libre du roman moderne, l’architecte a utilisé vingt et une variétés de pierre et de marbre provenant des carrières d’Italie, de France, d’Espagne, d’Afrique, d’Indiana, du Texas, du Québec et du Manitoba. À l’été 2004, Marc D’Anjou jouera non seulement le grand orgue de tribune mais aussi le petit Casavant (esthétique Brunzema) à traction mécanique, 7 jeux répartis sur 1 clavier et pédalier, installé dans le transept gauche, instrument commandé par Mgr. Eymard Desjardins en 1980 à l’occasion du centenaire de la paroisse Immaculée-Conception. Quatrième centenaire de l’arrivée des Acadiens dans les provinces atlantiques, dixième anniversaire des Amis de l’orgue, autant d’occasions de célébrer à l’orgue avec Marc D’Anjou, Régis Rousseau et Sylvain Doyon auquel se joindra le trompettiste Louis Larouche, duo qui plaît beaucoup au public. Laurent Geoffroy a su s’entourer d’un comité très dynamique qui s’occupe de la publicité, affiches (jusqu’à Rivière-du-Loup), panneaux devant l’église, articles dans les journaux, conférence de presse, accueil des musiciens, interviews à la radio, présence de la télévision, recherche de commandites, tous des éléments qui assurent une visibilité à ces concerts. Quelle satisfaction et quelle stimulation pour l’artiste invité d’entendre sa prestation annoncée à la radio alors qu’il déambule dans les magasins! On ne peut que regretter que les timbres éclatants de cet instrument n’aient pas été entendus plus souvent sur les ondes de la radio du Nouveau-Brunswick. Cependant Denis Bédard y a fait un enregistrement pour la Société Radio-Canada de Rimouski. Cet organisme ne bénéficie malheureusement d’aucune subvention, ni au niveau provincial, ni au niveau fédéral, ni au niveau municipal. Laurent Geoffroy m’écrivait : « D’année en année, les Amis de l’orgue subsistent sans savoir ce qui arrivera demain. S’il y a déficit, nous paierons de notre poche! » Un beau rêve qui se doit de continuer. Notes
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Nouvelles | |
Québec par Irène Brisson
Pour le troisième concert de la saison 2003-2004, les Amis de l’orgue de Québec ont chaleureusement applaudi Hélène Dugal dans un programme allant de Titelouze à Jean Langlais. Le jeu dynamique et intense dont elle a fait preuve, notamment dans la Passacaille de Bach, la noblesse qui se dégageait du choral de Bach Jesus Christus unser Heiland, de l’hymne Ad Coenam de Titelouze et de Cathédrales de Vierne et la façon dont elle fait superbement sonner l’orgue des Saints-Martyrs-Canadiens font de ce 22 novembre, jour de la Sainte-Cécile, un moment fort de la saison. Le 5 novembre, les Amis de l’orgue recevaient la musicologue Élisabeth Gallat-Morin pour une conférence très articulée sur l’orgue en Nouvelle-France, qui puisait sa substance dans l’ouvrage qu’elle a rédigé avec Jean-Pierre Pinson sur La vie musicale en Nouvelle-France. Une occasion idéale pour faire le point sur les connaissances actuelles sur les instruments construits dans la colonie sous le Régime français, les premiers organistes et le répertoire importé de France. Le 22 février, Jacques Boucher et Anne Robert ont impressionné l’auditoire avec leur interprétation du Kaléidoscope d’Antoine Reboulot. Aux côtés de la Chaconne de Vitali, une belle redécouverte, celle de quelques chorals d’Helmut Walcha. Je ne puis malheureusement en dire plus, n’ayant pas assisté à ce concert. La saison se poursuivra à Cap-Rouge le 3 avril, avec Vincent Brauer et le 15 juin, à Saint-Roch, avec Christophe Mantoux, un des juges du prestigieux Concours d’orgue qui se déroulera le 17 juin aux Saints-Martyrs-Canadiens. Enfin, la traditionnelle excursion culturelle des Amis de l’orgue les conduira en Beauce (Sainte-Marie, Saint-Joseph, East Broughton, La Guadeloupe, Saint-Georges) le lundi 24 mai (jour de congé à triple vocation) et les organistes invités seront : Dominique Gagnon, Marc D'Anjou, Éric Vachon, Laurent Martin, François Grenier, Louis Morissette et Benjamin Waterhouse. La région de Québec compte une organiste de plus, avec le retour de Vienne de Nathalie Gagnon, lauréate 1998 du Concours d'orgue de Québec. Elle succède à Dany Wiseman à l’orgue Mitchell de Notre-Dame de Lévis. Le 22 novembre, lors du concert d’Hélène Dugal, avait lieu le lancement du dernier ouvrage de l’abbé Antoine Bouchard, Quelques réflexions sur le jeu de l’orgue (Les Presses de l’université Laval, 2003). Quelques jours auparavant, Robert P. Girard procédait au lancement de son dernier disque: Orguément vôtre, enregistré à la cathédrale de Chicoutimi. Le 23 novembre, avait lieu à Cap-Santé la bénédiction de l’orgue restauré de l’église Sainte-Famille dont le titulaire est Serge Laliberté. L’instrument, signé Napoléon Déry, a été restauré en 2000 par Jean-François Mailhot et comprend 19 jeux (2 claviers et pédalier). Le 14 décembre dernier, dirigés par Jean-Marie Zeitouni participaient à l'église Saint-Jean-Baptiste à un concert bénéfice au profit de la restauration de l'orgue Déry (1885) de cette belle église de la rue Saint-Jean dont l’organiste titulaire est Sylvain Doyon. Le concert auquel participaient le titulaire et la Maîtrise de Québec était placé sous la présidence d’honneur de Claude Lavoie. Le 14 janvier, Josée April et Jean-Guy Proulx inauguraient à Charlesbourg l’orgue Mitchell (1872) de Saint-Charles-Borromée, un instrument de 19 jeux (2 claviers et pédalier) restauré par Jean-François Mailhot. Le 15 février, Édith Beaulieu donnait à son tour un concert bénéfice en l’église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier, au profit de la restauration de l’orgue Casavant (1913) de 52 jeux (4 claviers et pédalier) dont elle est titulaire depuis vingt ans. Enfin, la cathédrale anglicane de la Sainte-Trinité, qui fête cette année son bicentenaire, accueillera en juin un petit orgue de huit jeux signé England & Sons (Londres, 1790), restauré par Hellmuth Wolff et Associés. Un concert d'inauguration avec Les Violons du Roy est prévu le samedi 5 juin à 20 heures. Voilà qui réjouit l’organiste titulaire des lieux, Benjamin Waterhouse! Les Amis de l’orgue déplorent le décès survenu le 2 décembre dernier d’Alphonse Fortin (1920-2003). Professeur au collège de La Pocatière de 1952 à 1967, il y fut maître de chapelle, organiste et directeur de la fanfare. De 1974 à 1988, il oeuvra en pastorale et fut notamment au service de l’Université Laval. On lui doit d’avoir travaillé en 1950 à l’édition d’un recueil de chants sacrés grégoriens et modernes à l’usage des élèves du collège Sainte-Anne de La Pocatière. Passionné de Jean-Sébastien Bach, il était un habitué des concerts des Amis de l’orgue dont il assura la présidence en 1988-89. Il était l’oncle de l’organiste Louise Fortin à laquelle nous empruntons ces quelques lignes. par Gérard Mercure
Après une interruption de deux ans, Les Amis de l'orgue de Rimouski remettent en piste le Festival international d'orgue et de clavecin de Rimouski. La 10e édition de ce festival consacré à l'orgue et au clavecin se tiendra du 12 au 16 juin 2004. Articulé en deux volets, le Festival comprend des classes de maîtres en orgue et en clavecin et une série de cinq concerts. Les stagiaires bénéficieront encore cette année des enseignements d'un grand maître de l'orgue et du clavecin, Kenneth Gilbert. Le volet symphonique de la musique d'orgue est assumé par l'organiste réputé et professeur au Conservatoire de Québec, Jean-Guy Proulx. Le volet concerts propose les récitals de Kenneth Gilbert, Luc Beauséjour, des organistes-duettistes français Guidarini-Oltz, et de l'ensemble formé de l'organiste Richard Paré, du baryton Michel Ducharme et de la violoniste Nicole Trottier. Les stagiaires se produisent en récital lors du dernier concert du Festival. Pour inscription et renseignements:
par Gilles Fortin
La saison culturelle 2003-2004 a attiré nombre de mélomanes d’ici et d’ailleurs lors de la présentation de l’un ou l’autre des concerts suivants: par Martin Yelle, s.c.
Depuis l'été 2003, j'ai le plaisir de préparer et d’animer l'émission « Présence de l'orgue » diffusée sur les ondes de Radio Ville-Marie. Il est important de se rappeler que cette émission avait, dans un premier temps, été animée par Lucie Beauchemin. « Présence de l'orgue » est avant tout une émission musicale mettant en vedette l'orgue à tuyaux. Ce temps d'antenne d'une heure par semaine permet à l'orgue de retrouver une place dans le monde de la radiodiffusion au Québec. Au cours des semaines, j'essaie de faire place tout d'abord aux interprètes et aux instruments d'ici pour les faire connaître du public. Il est important, selon moi, de susciter l'émerveillement du public devant les magnifiques instruments que nous possédons au pays et par surcroît lorsqu'ils sont joués par les excellents organistes du Québec et du reste du Canada. L'émission « Présence de l'orgue » est diffusée tous les dimanches à 13h30. Pour syntoniser Radio Ville-Marie, vous avez plusieurs possibilités: à Montréal le 91,3 FM; à Sherbrooke le 100,3 FM; via internet sur le site www.radiovm.com (la qualité sonore a été grandement améliorée sur internet et on peut maintenant écouter en stéréo via le site web). Deux nouvelles fréquences devraient entrer en onde dès l'automne 2004 à Trois-Rivières et Victoriaville et couvriront toute la région du Centre-du-Québec. Des demandes ont été faites concernant la possibilité de se procurer des copies des émissions, malheureusement pour des raisons de droits d'auteurs et de logistique il n'est pas possible de répondre positivement à ces demandes. Pour écouter « Présence de l'orgue », il suffit d'écouter Radio Ville-Marie. Enfin, si des organistes ou facteurs d'orgue peuvent me faire parvenir des enregistrements mettant en valeur leurs talents, il me fera un immense plaisir de faire entendre ces enregistrements sur les ondes. L'adresse postale du studio d'enregistrement de cette émission est: Depuis la région des Bois-Francs où je me trouve, j'ai de temps à autre des échos de ce qui se passe dans le monde de l'orgue dans la région de Sherbrooke en Estrie. Par un contact avec Chantal Boulanger, professeure d'orgue au Collège de Sherbrooke et organiste à la basilique-cathédrale St-Michel de Sherbrooke j'ai réussi à en savoir un peu plus sur ce qui se passe dans le domaine de l'orgue dans cette région. Premièrement, ce que j'ai pu remarquer c'est le dynamisme et l'originalité des concerts produits par Mme Boulanger et son entourage. Pour donner un exemple, l'année dernière le choeur l'Escaouette regroupant des musiciens de l'Estrie a présenté un concert choeur et orgue dans une présentation originale de l'opéra-rock « Jesus-Christ Superstar » avec la collaboration de l'organiste Marc D'Anjou, de Québec. Voici quelques autres concerts qui seront présentés prochainement: Ces concerts s'inscrivent dans le contexte également d'une campagne de financement de 50 000$ pour la construction d'un orgue positif pour le choeur de la cathédrale de Sherbrooke. Cet instrument serait mobile pour en permettre l'utilisation aussi bien au choeur pour des liturgies avec une assistance plus réduite que pour une petite chapelle adjacente au choeur de la cathédrale. La région de l'Estrie possède de beaux instruments et certains devraient être mis en valeur prochainement dans des activtés culturelles. Entre autres, un bel orgue Casavant de 1966 d'esthétique plutôt néo-classique est présent dans ce qui était l'église St-Aimé d'Asbestos. Cette église est devenue bibliothèque municipale et la directrice, rencontrée au cours de l'année, me faisait savoir qu'il y avait un intérêt chez les gens de la place pour que l'orgue soit mis en valeur. Voilà en quelques lignes un très bref et partiel aperçu de ce qui se passe en Estrie. Je vais être attentif à ce qui s'y vit pour vous revenir avec plus de détails. |
Anniversaires en musique par Irène Brisson |
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L’année 2004 comblera les organistes épris de musique ancienne, puisqu’elle commémore la disparition de trois personnages qui ont fortement marqué leur époque, Claudio Merulo (1533-1604), Samuel Scheidt (1587-1654) et Georg Muffat (1653-1704). Claudio Merulo passa une grande partie de sa carrière à Saint-Marc de Venise, comme deuxième puis premier organiste de la célèbre basilique, où allait également travailler Andrea Gabrieli puis son neveu Giovanni. De son catalogue pour orgue, qui comprend des ricercari, des canzoni (pour la plupart très inspirées des chansons de l‘époque) et surtout trois messes d’orgue (1568) et deux recueils de Toccate (1598, 1604). Ses messes ont été à juste titre, classées par Willy Appel (The History of Keyboard Music before 1700, p. 124) « parmi les plus belles et les plus précieuses contributions à l’orgue liturgique du 16e siècle. » Dans ses Toccate, sa virtuosité qui fait une belle part à l’ornementation, prépare le terrain à Frescobaldi. Par cet héritier de Merulo, cette écriture qui sait constamment marier le contrepoint rigoureux à l’exubérance, se transmettra à l’école austro-germanique, notamment à Froberger et à Georg Muffat. Georg Muffat, formé à l’école de Lully et de Corelli exercera son art autant à Vienne, à Salzbourg et en Allemagne et, si ses œuvres de musique de chambre et d’orchestre se ressentent de l’esprit français, son Apparatus musico-organisticus pour orgue (1690) brille par ses douze toccates étincelantes qui couronnent une tradition remontant à Merulo. Après la mort de Muffat, la toccata entrera dans une ère nouvelle, celle de Bach. C’est dans un autre domaine que s’illustre Samuel Scheidt qui, par ses dates, se situe entre Merulo et Muffat. Né à Halle 98 ans avant Händel, contemporain de Frescobaldi et de Froberger, Scheidt s’apparente davantage à l’école néerlandaise de son maître Sweelinck et, de ce fait, à celle des virginalistes: même décoration figurative autour d’un cantus firmus, généralement un thème de choral ou une hymne grégorienne pouvant servir au culte protestant (Veni redemptor gentium), même raffinement et même progression de la virtuosité dans la variation d’un thème de chanson ou de danse. Sa science du contrepoint est évidente: Scheidt se plaît à exploiter le canon et même la quadruple fugue (Variations sur Io son ferito de Palestrina). Sa contribution au répertoire de clavier est immense et pose les jalons d’une tradition nord-allemande: trois volumes de pièces sacrées et profanes regroupées en 1624 sous l’appellation de Tabulatura nova généralisent l’usage du pédalier et délaissent les archaïques tablatures en lettres pour une notation moderne. Un autre recueil plus modeste pour orgue, le Görlitzer Tabulaturbuch (1650), comprend cent chorals harmonisés par Scheidt: un beau modèle pour Bach! |
L'orgue sur le web par André Côté |
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Parmi les passionnés inconditionnels de l’orgue, qui n’a pas espéré pouvoir réaliser un jour le rêve ultime de posséder son propre instrument? Au-delà de l’aspect financier qui représente souvent l’obstacle de taille à franchir, une foule d’éléments souvent insoupçonnés sont à prendre en considération. Afin d’éclairer le futur propriétaire d’un « orgue domestique », John Roesgen nous propose, au travers de son site « Personal Pipes », Si vous occupez un poste d’organiste et avez des interrogations en rapport avec vos conditions de travail et votre rémunération, le RCCO (Royal Canadian College of Organists) présente son guide 2004 des salaires selon les qualifications, l’expérience et la charge de travail. De la même façon, l’AGO (American Guild of Organists) établit des normes salariales mais offre aussi dans la section Pour terminer, voici deux sites de gens avantageusement connus pour leur implication dans le monde de l’orgue québécois:
sous la gouverne, entre autres, de Lucienne L’Heureux-Arel et Gaston Arel, se sont donné le mandat de promouvoir le répertoire vocal liturgique et celui de la musique d’orgue en proposant des œuvres inédites composées par quelques uns des meilleurs compositeurs canadiens.
sous une présentation colorée et chaleureuse à l’image de son auteur, nous renseigne au sujet du « Festival des couleurs de l’orgue français » tenu annuellement en la chapelle du Grand Séminaire de Montréal. Le site présente également les activités artistiques à venir ainsi que la discographie de M. Préfontaine. En prime, le lecteur y retrouvera un bel album de photos prises lors de tournées de concerts en France et en Allemagne. |
Dans le monde de l'édition par Gaston Arel |
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Concours | |
La Fondation Claude Lavoie est heureuse d’annoncer que la 5e édition du Concours d’orgue de Québec aura lieu en l’église des Saints-Martyrs-Canadiens à Québec, jeudi le 17 juin 2004. Ce concours, de très haut niveau, devenu une référence unique en son genre au Québec, se tient à tous les trois ans et s’adresse aux organistes québécois âgés de moins de 35 ans. Après une première épreuve éliminatoire où les concurrents ont été jugés anonymement à partir d’enregistrements transmis par les concurrents, les finalistes retenus sont invités à se présenter à l’épreuve finale qui se déroule en public. Lors de cette finale, chaque concurrent doit élaborer un programme à partir des pièces imposées incluant une pièce originale commandée spécialement pour le concours. On peut consulter le programme imposé à l’adresse suivante: Cette année, les finalistes retenus sont: madame Sunyi Shin et messieurs Ryan Enright et Matthieu Latreille alors que les juges seront Christophe Mantoux (organiste de l’église Saint-Séverin à Paris, France), Gaston Arel (organiste de l’église abbatiale Notre-Dame-du-Lac d’Oka) et Gilles Rioux (organiste de la basilique Notre-Dame-du-Cap au Cap-de-la-Madeleine) La pièce originale est une oeuvre de Rachel Laurin et porte le titre de Étude héroïque. L’horaire des prestations sera dévoilée plus tard. Les précédentes éditions ont permis de couronner les grands gagnants suivants: Gilles Rioux (1992), André Gagnon (1995), Nathalie Gagnon (1998), et Erik Reinart (2001). Donc, rendez-vous à Québec le 17 juin 2004 pour cette 5e édition du Concours d’orgue de Québec. |
Revue des revues compilée par Gaston Arel |
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Mots croisés par Jean-Claude Sauvé |
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